Aller au contenu principal

Incompris

Publié par Eden Merazka - Dimanche 29 mai 2022 - 21:18
Couverture

Écrire et inventer des histoires a toujours été un exercice que j’affectionne particulièrement. Laisser libre cours à mon imagination, voilà ce que j’aime. Permettez-moi de vous partager une de mes histoires; celle d’un homme incompris.

C'était un frais matin d'automne. Je venais de sortir d'un rêve plus calme qu'à l'accoutumée et, comme à mon habitude, je voulais sortir me dégourdir les jambes avant le réveil des habitants de mon village. Mon style vestimentaire est conçu pour être le plus sobre possible. Je n'ai pas de signature visuelle, comme un bijou ou un chapeau. Je marche vite et silencieusement. Il faut savoir que je ne sors que deux fois par jour : à mon réveil, aux alentours de 6h, et à 22h. Je n'aime pas être entouré, je n'aime pas que l'on me regarde et je limite l'usage de mes cordes vocales au strict nécessaire. C'est pour cela que je sors si tôt et si tard. Ce matin-là, j'ai découvert que mon village connaissait mes habitudes.

Je me rendais au lac proche de mon domicile lorsque je l'ai senti. Au début, c'était comme un bourdonnement dans mes oreilles. Je ne m'en suis pas méfié : c'est un lac dans une forêt de séquoias, c'était peut-être les battements d'ailes d'une libellule. Je poursuivais ma route, jusqu'au lac. J'aimais cet endroit. Il était calme, l'eau était transparente et le brouillard matinal, au-dessus de la surface, me donnait le sentiment de vivre un rêve. Ce matin-là, le rêve était en réalité un cauchemar éveillé. 

Le bourdonnement était désormais semblable à un chuchotement. L'eau était sombre, pas opaque, mais plus sombre que d'ordinaire. C'est à cause de cette noirceur que mon œil s'est posé sur cette forme blanche qui flottait sur l'eau. C'était une forme de petite taille et mince. J'avais à peine établi la nature de cette chose que le chuchotement devint un hurlement. Mon hurlement. Je venais de découvrir le corps du petit garçon disparu sept jours plus tôt.

J'ai été inculpé pour l'enlèvement et le meurtre de l'enfant. Tout le village a fait pression sur l'appareil judiciaire pour que je sois arrêté. «Quelqu'un qui se promène seul aux premières lueurs du jour et les premiers rayons lunaires, qui est célibataire depuis toujours et maladivement discret monsieur l'agent? Cet homme est fou!»

Pourquoi ai-je été surpris? J'ai pourtant l'habitude d'être regardé de haut. «Cet homme est étrange. Il a peur des autres. Il cache quelque chose. Il devrait se foutre en l'air.» Je ne fuis pas le contact humain pour rien. Ou plutôt, je ne fuyais pas. Je suis en prison. J'ai été condamné au jugement permanent et à perpétuité parce qu'une minorité bruyante rejetait mon mode de vie. Il n'y a pas de monstre qu'au lac, mon village en est rempli.

Ajouter un commentaire

Plain text

  • Aucune balise HTML autorisée.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.